La publication de décrets élargissant la possibilité d’un fichage généralisé : Vers une surveillance de Masse ?

Droit pénal général

Par -

Le 8 décembre 2020, le gouvernement a procédé à la publication en catimini de trois décrets élargissant les possibilités de fichage dans le cadre d’enquête de police, de gendarmerie ou de l’administration.

Ces décrets qui modifient l’article R236-2 et suivants du Code de la Sécurité Intérieure permettent d’accroitre considérablement les possibilités de fichage des services de police en autorisant la collecte de donnée à caractère personnelle.

Concrètement, les services de police seront désormais habilités à « recueillir, conserver et analyser les informations qui concernent les personnes susceptibles de prendre part à des activités terroristes, de porter atteinte à l’intégrité du territoire ou des institutions de la République ou d’être impliquées dans des actions de violence collectives, en particulier en milieu urbain ou à l’occasion de manifestations sportives ».

Les termes sont suffisamment vagues pour permettre aux services de police de procéder à un fichage de masse des militants politiques.

Avec ces nouvelles dispositions, il est désormais possible de ficher des individus en fonction de leurs habitudes de vie, de leurs déplacements, de leurs pratiques sportives, de leurs opinions politiques, religieuses, philosophiques ou syndicales.

Cette collecte de données individuelles est quasi illimitée puisqu’elle autorise la collecte de toutes les informations publiées sur les réseaux sociaux (commentaires, photographies…).

Selon des sources policières, il n’y aurait pas d’inquiétude à avoir puisqu’il s’agirait uniquement de fichiers de police et non de fichiers judiciaires.

Or, les moyens de contrôle sont quasiment inexistants. La Commission Nationale Informatique est censée exercer une mission de contrôle sur l’utilisation de ces fichiers. Elle a néanmoins reconnu ne pas avoir été consultée sur la possibilité de recueillir des données en fonction des activités et des opinions.

A l’occasion de la parution de ces décrets, elle a publié un avis demandant au gouvernement des précisions en raison du périmètre particulièrement large des informations collectées. Pour autant, ces décrets permettent d’encadrer juridiquement certaines pratiques officieuses.

Les justiciables peuvent ils s’opposer à ce fichage de masse ?

En principe, les justiciables peuvent contester le principe de leur inscription dans les fichiers de police.

Les personnes mises en cause peuvent déposer un recours devant le Tribunal Administratif pour obtenir l’effacement ou la rectification de certaines fiches.

En revanche, toute personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit qui refuserait de se soumettre à un prélèvement aux fins de conservation au fichier ou de rapprochement encourt une sanction pénale.

La Cour de Cassation a récemment rappelé que le refus de se soumettre à un prélèvement biologique ou à des relevés signalétiques peuvent être réprimées quand bien même l’infraction à l’occasion de laquelle ils devaient être réalisés a fait l’objet d’une décision de relaxe. (Cass Crim 28 octobre 2020 n°1-85.812).

Les associations de défense des libertés fondamentales ont annoncé qu’elles engageraient un recours devant le Conseil d’Etat afin de contester la légalité de ces nouvelles dispositions.